Surproduction ou malproduction ?
On parle beaucoup de surproduction en ce moment concernant la bande dessinée. J’aurai tendance moi, à préférer le mot malproduction. Je ne suis pas sûr qu’il puisse d’ailleurs y avoir de surproduction concernant les livres d’une manière générale. Lorsque les francophones dans leur ensemble, liront plusieurs livres par semaines et que malgré tout, les stocks ne pourront pas être écoulés, alors oui, peut être que l’on pourra parler de surproduction. Mais d’ici là, nous avons encore de la marge. Je pense pour ma part que la bande dessinée souffre surtout d’une production mal pensée plutôt qu’abusive. Illustration avec ces deux exemples :
Jimmy : James Dean
Gamberini / J-F et M Charles
Ed. Casterman
Collec Rebelles
Voici donc une autre biographie du célébrissime personnage qu’est James Dean. Mort à 24 ans alors qu’il était en pleine et brillante ascension, les auteurs nous offrent donc l’opportunité d’admirer une nouvelle fois la trajectoire de cette étoile filante. Pourquoi pas. Le choix de James Dean s’inscrit dans la lignée d’une collection dédiée aux rebelles et débutée par Casterman voilà un an avec Che Guevara.
Le choix du format d’un classicisme triste pour traiter de tels personnages, prêtes déjà en lui-même à débat. Mais soit, passons. L’essentiel restant quand même le contenu.
Hors ce contenu est non seulement très mal illustré (images flous, couleurs baveuses…) mais de surcroît, l’histoire est découpée de telle sorte que tout ceci n’est jamais plus qu’une succession d’anecdotes sans queue ni tête. Pour illustrer la révolte d’un homme face à un système et sa volonté farouche de laisser parler sa nature profonde pour incarner ses personnages le résultat est d’une pâleur et d’un traditionalisme en totale inadéquation avec le propos. Alors question : qu’elle est l’utilité de ce livre ? A la limite, le résumé de la vie de l’acteur, proposé en tout début d’ouvrage aurait à lui seul suffit. Mettre des images sur des mots (et ici une vie) ne suffit pas toujours à faire à faire une bande dessinée.
Martha Jane Cannary : la vie aventureuse de celle que l'on nommait Calamity Jane
Volume 1, Les années 1852-1869
Perrissin / Blanchin
Ed. Futuroplolis
Personnage mythique de l’épopée fondatrice de la nation américaine, le nom de Calamity Jane est plus connue que sa vie. Plus utilisée par la bande dessinée que par la littérature, cette femme au caractère bien trempé et à la vie rude est l’objet d’une biographie proposée par Christian Perrissin et Matthieu Blanchin aux éditions Futuropolis.
Dessin noire et blanc, histoire fouillée, ce livre nous permet tout d’abord de plonger dans la vie au jour le jour de Martha Jane, de mettre en perspective condition de femme dans le grand ouest américain, de découvrir aussi de quelle façon c’est faite cette conquête. Ce livre contribue non seulement à mieux nous faire connaître la personne de Calamity Jane mais aussi dans quel contexte elle a évolué (historique, géographique, sociale…)
Pour le coup, le choix d’un format épais, de couleurs tirants du sépia jusqu’au noir et d’un trait souple et travaillé donne à l’ensemble une cohérence rare et attachante. Ce livre devient à ce titre, nécessaire et l’on espère que la suite sera de la même qualité.
A travers ces deux exemples, une chose ressort. Jimmy relève clairement d’une stratégie éditoriale et perd du coup complètement la spontanéité et la créativité du à l’élaboration d’un ouvrage biographique le réduisant à l’état de simple produit culturel. Tandis que le second qui relève de la volonté de deux auteurs, prend une dimension tout autre et devient pour le coup, un véritable livre. Alors voilà, entre un livre imposé par des stratégies et un livre voulu par ses auteurs, n’est il pas temps à la vue du résultat, de revoir certains systèmes de production dans le joyeux et prolifique monde de la bande dessinée ?
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