mardi 16 septembre 2008

Article : L'image de la bande dessinée



Place de la bande dessinée dans l’espace médiatique.

 Au sortir de la torpeur de cet été riche en rebondissements journalistiques et sportifs, ce premier article consacré à l’image de la bande dessinée va tenter de tracer un portrait de la place du neuvième dans un paysage médiatique toujours plus surchargé. Attention, il ne s’agira pas ici de savoir quelle est la quantité et la qualité des supports parlants de bande dessinée mais bien de l’espace réservé à la bande dessinée dans le paysage médiatique en général. J’insiste sur ce point pour éviter que certain ne pensent que j’occulte la qualité de tel webzine ou ignore la médiocrité de tel magazine télévisé. Pas du tout. Il ne s’agit pas de faire un portrait de ce qui existe sur le neuvième mais de mieux cerner qui parle du neuvième art et en quels termes dans les médias et dans l’espace public en général afin de mieux en faire ressortir l’image qui lui est accolée ou du moins, que l’on veut bien lui accoler. A travers le « on » de « qu’on veut bien lui accoler », j’entends toutes personnes susceptibles de lire ou d’avoir une activité culturelle quelconque. 

En ces temps donc où tout devient un événement qu’il faut être le premier à identifier, le premier à en débattre, pour être le premier à mieux le digérer, la bande dessinée c’est coulée il faut bien le reconnaître, dans un espace plus que restreint. En effet à l’heure où le torrent de nouvelles se tarit, dans cet entre-deux saisonnier qu’est l’été et qui voit les sujets dits sérieux traités par les seconds couteaux et les stagiaires, au moment où la politique part se reposer qui à la mer, qui à la montagne, qui à l’étranger, à l’heure où même la bourse voit son taux d’activité s’amoindrir, certains quotidiens se décident enfin à accorder une petite place dans leurs colonnes à ce mode d’expression si ludique et divertissant qu’est la bande dessinée. Eh oui ! Car pour beaucoup, la bande dessinée c’est ça : une lecture d’été. Au même titre que ces gros pavés littéraires calibrés pour être lus tout en offrant une douce sensation de détente, la bande dessinée n’est autorisée à se présenter à la face du grand public via les grands groupes de presses qu’au cours de la période estivale. Bien sûr au cours de l’année on la retrouve parfois dans l’honorifique place de la blague de fin ou de l’intro rigolote, toujours sur une page et toujours légère mais rarement plus. Mais là, l’été offrant des espaces libres qu’il faut combler, quoi de mieux que de s’offrir un peu de nouveauté avec quelques planches.

Chacun en profite d’ailleurs pour renforcer à travers le neuvième art, l’image de sa ligne éditoriale. C’est ainsi que par exemple Le Figaro nous a présenté un Largo Winch plus bronzé et sexy que jamais, en plein début de promotion pour la sortie du film en décembre tandis que Liberation et Télérama publiaient respectivement des œuvres plus en lien avec leur image.

C’est ainsi qu’au même titre que ce que véhicule le cinéma pour la majorité des citoyens français (mais nous le verrons dans les articles à venir) si la bande dessinée souffre auprès d’eux de cette image infantile et divertissante, c’est que l’espace médiatique qui lui est réservé contribue grandement à l’enfermer dans ce rôle.

Sortie comme on vient de le voir pour les grandes vacances comme un enfant qu’on autoriserait à aller jouer pour une fois sans surveillance, agitée fin Janvier le temps d’un festival que seuls les initiés peuvent décrypter et on envie de suivre, elle reste circonscrite tout le reste du temps entre les bornes d’une presse extrêmement spécialisée. Cela va jusqu’à la position qu’elle occupe dans les kiosques à journaux. Soit elle se trouve à côté des magazines pour enfants soit et ce n’est pas anecdotique de le voir, elles se trouve carrément au milieu des journaux pour enfants. Pourquoi ? Parce que les seuls magazines mis sous presse à l’heure actuelle et spécialisés dans la bande dessinée ne traitent et ne proposent que des sujets en liens avec l’enfance ou la distraction.

Qu’en est il d’autres magazines moins caricaturaux et proposant des sujets plus larges touchant d’autres formes de publics ? Rien. Il faut attendre que certains journaux qui traitent d’autres sujets nous servent un numéros spécial, catalogues d’informations réchauffées avec les inévitables débats « Est ce que la bande dessinée c’est de l’art ? » augmenté d’un historique plus ou moins bien renseigné et dans lequel on retrouve bien sûr les 100 essentiels de la bande dessinée.

La position dans l’espace que nous évoquions à travers le cas du kiosque à journaux se retrouve d’ailleurs dans d’autres lieux de lecture et de culture. En librairie par exemple. Il n’est pas rare que le neuvième art soit associé au rayon enfant et si ils ne sont pas dans le même espace, il est quasiment systématique qu’ils se côtoient de façon très proche. Comme si cette forme de littérature était une continuité, un élément supplémentaire de ce grand et ensemble que constitue la littérature enfantine.

A tous ces points renforçant l’image infantile de la bande dessinée dans la vie de tous les jours, il est important d’en ajouter un supplémentaire : le manque de critiques de références. Beaucoup de gens parlent de bande dessinées (y compris nous à Raging Bulles bien sûr.) on ne compte plus les forums et autres lieux de discussions sur le net sur lesquels sont lancés des débats sans fins pour savoir si oui ou non tel ou tel album est un chef d’œuvre un immonde ratage mais étrangement, aucun ne fait référence. Il n’y pas de point d’ancrage de la critique en bande dessinée auquel puissent se raccrocher le commun des mortels. Le cinéma, la littérature bien sûr mais aussi le théâtre et la musique possèdent tous des magazines, des lieux, des sites, des émissions de radios sur lesquels on est certain de trouver des avis de critiques qu’évidemment on ne prendra pas au pied de la lettre mais qu’au moins on écoutera avec une oreille plus attentive. Pour la bande dessinée tout ce réseaux existe mais est tellement confidentiel que seuls les aficionados les côtoient.

En mal de critiques sérieuses ayant pignon sur rue, cantonnée par les grands médias à une image restrictive de ce que qu’elle contient vraiment, souvent associée à l’image de l’enfance la bande dessinée continue par conséquent d’incarner pour la majorités des gens ce qu’une partie d’entre elle n’est plus depuis longtemps : un divertissement enfantin ou parfois une sorte de distraction pour adolescents dans l’impossibilité de grandir.

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