mercredi 30 avril 2008

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Bande dessinée et adaptations : Préambule.

Les adaptations avec en leur centre la bande dessinée ont le vent en poupe en ce moment, c’est indéniable. Deux grands phénomènes se distinguent particulièrement. Les adaptations du cinéma inspirés de la bande dessinée -l’inverse étant beaucoup plus rare- et les adaptations d’œuvres littéraires au format du neuvième art -là aussi l’inverse étant quasiment anecdotique-. Or ces deux phénomènes clairement distincts amènent à différentes interrogations.
Concernant tout d’abord les liens fraternels qu’entretiennent le cinéma et la bande dessinée : Comme dans toutes fraternités, il y a des personnalités différentes qui se développent même si les filiations sont fortes. Nés au cours du même siècle, le 19éme, le septième et le neuvième art n’ont jamais partagé la même notoriété. Lorsqu’aux alentours de 1830 Rodolphe Töpffer lance les prémices frémissantes de la narration séquentielle, il devance de quelques années l’invention des frères Lumière qui ne diffusèrent officiellement leur premier film face au public que le 28 décembre 1895. Depuis chacun a eu son parcours et si le nombre de lecteurs de bande dessinée n’a cessé d’augmenter, il n’a jamais pu rattraper l’aura qui entoure le cinéma.
Sans se plonger dans des analyses complexes pour tenter de savoir ce qui a pu amener à ce constat implacable il est possible néanmoins de faire une observation : il y a à l’heure actuelle une recrudescence manifeste des adaptations de bande dessinées au cinéma et surtout des collaborations croissantes entre ces deux médiums.
En effet, si dans un premier temps le cinéma c’est contenté de venir faire son marché sur les terres du neuvième art considérant la bande dessinée comme un story-board amélioré, les limites de cette pratique ont été rapidement atteintes. Films complètements ratés voir outranciers par rapport aux œuvres originales les velléités des producteurs hollywoodiens se sont taris à la fin des années quatre vingt et à l’aube des années quatre vingt dix avant de ressurgir de plus belle une fois le numérique maîtrisé. En effet, depuis l’arrivé de cet apport technologique il en est tout autrement. Outre-atlantique, les adaptations se multiplient et les grands noms du cinéma spectacle n’hésitent plus à associer leur savoir faire avec la manne que représente la bande dessinée. Bryan Singer (Usual suspect, X-men 1 et 2, Superman returns…) Sam Raimi (Un plan simple, Evil Dead, Spiderman 1, 2 et 3..) mais aussi Quentin Tarantino (Pulp Fiction, Kill Bill, Sin City…) sont parmi les fleurons de cette nouvelle génération.
Mais ce qui est très intéressant aussi c’est de voir les interactions qui se créent au niveau du cinéma européen. Très en retrait jusque là sur ce créneau de l’adaptation, la collaboration semble prendre une autre forme sur le vieux continent. Elle paraît se diriger vers plus d’implication des créateurs de bande dessinée, le champ d’investigation de ces derniers semblant plus élargi.
Quelques exemples pris à la volée pour illustrer ce propos : évidement le très réussi Persépolis de Marjane Satrapi et Vincent Paronnaud, mais aussi Joann Sfar qui s’apprête à passer derrière la caméra puisqu’il prépare une biographie de Serge Gainsbourg pour le grand écran en plus de la version animée de son remarqué Chat du Rabbin. Voici pour les têtes d’affiches mais on sait que Peur(s) du noir sorti en tout début d’année avec aux crayons des gens comme Blutch ou Mattoti fut aussi un moment de cinéma important.
Or en parallèle de ce mouvement la multiplication des adaptations littéraires cette fois s’accélèrent elles aussi. Delcourt a ouvert une collection qui leur est réservée et qui accumule les titres, Bernard Giraudeau vient de signer une adaptation avec Christian Caillaux de son livre R97 les hommes à terre chez Casterman bref, il ne sert à rien d’accumuler les exemples pour prouver la vogue de ce phénomène. Et si celui-ci n’est pas nouveau il s’amplifie incontestablement.
Mais pourquoi faire un tel constat ? Parce qu’en écartant toute considération qualitative -pour le moment- il est possible d’y voir la fin de l’isolement de la bande dessinée par rapport à nombre de formes d’expressions.
Longtemps, trop longtemps, la bande dessinée c’est regardée évoluer. Lorsque l’on compare le nombre d’ouvrages critiques consacrés à la littérature et au cinéma avec ceux consacrés à la bande dessinée on constate à quel point le fossé est abyssal. Or le fait que les adaptations dans un sens comme dans l’autre, inspirées ou non, se multiplient est une des meilleures nouvelles qui soit. Par ce biais la bande dessinée s’expose, se montre, sort de cette ornière dans laquelle elle est engluée et qui réserve ses seules observations aux spécialistes de la spécialités.
La bande dessinée adapte, la bande dessinée s’adapte et franchement, il était temps.


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