lundi 12 mai 2008

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Adaptations des œuvres littéraires au format du neuvième art: Légitimité de la pratique.

Est-il vraiment utile de défendre la légitimité d’une pratique dont se nourrissent et qu’utilisent toutes les formes d’arts narratifs ? Défendre peut être pas mais en expliquer les tenants et les aboutissants et en montrer les enjeux sûrement.

Concernant le neuvième art, la forme d’adaptation la plus courante est donc celle d’une œuvre littéraire portée en cases et en bulles. Si celle-ci n’est pas nouvelle, elle se développe clairement dans les stratégies éditoriales depuis deux ou trois ans. Delcourt y consacre l’intégralité d’une collection (Ex-Libris) Casterman vient de faire de même très récemment avec sa collection réservée aux adaptations de polars (Rivages/Casterman/Noir) et d’une manière générale beaucoup d’éditeurs comptent désormais à leur catalogue si ce n’est une collection au moins quelques titres issus de cette forme d’inspiration.

Or celle-ci reste malgré tout facilement décriée : Taxé de s’adonner à la facilité, de manquer d’inventivité voir, de jouer sur du velours et de privilégier une rentabilité facile en s’appuyant sur une réputation déjà établie, il n’est pas rare de voir les accusations pleuvoir sur celui ou celle qui choisit d’adapter tel ou tel roman célèbre.

Certes le volet économique et marketing de l’affaire est difficilement niable. Adapter  Les trois mousquetaires, Jules Vernes ou les grands succès du polar c’est se positionner face à un public déjà acquis et forcement curieux de voir le résultat. Mais est ce pour autant s’accorder une facilité ? Ce n’est pas si évident. La lecture d’un roman si elle impose un univers commun à tous les lecteurs laisse libre toute personne de jouer avec les lumières, les formes de visages, la couleurs exacts des vêtements, les arrières plans…. Même si la description est précise, il n’est pas rare de « s’approprier » tel ou tel personnage ou lieux et de lui en accoler une forme issue de notre propre imagination, de notre propre passé de lecteur ou de curieux.

D’où l’énorme difficulté de réussir à prendre une œuvre et se l’approprier pour les adaptateurs, de telle sorte que non seulement les lecteurs connaissant l’originale s’y retrouvent mais que de surcroît ceux ne connaissant que le titre et les quelques images d’Epinal qui y sont souvent associées, ne soient pas spoliés ou trompés trop fortement par rapport à l’œuvre de base. La principale difficulté repose donc dans la capacité à saisir « l’esprit » du livre adapté.

A cela s’ajoute le problème de la personnalité des auteurs. Comment adapter une œuvre tout en gardant sa propre patte artistique, son propre trait, son propre style ? Et surtout, ceci est il incompatible avec une adaptation ?

Pour éclaircir ce point, il est possible de comparer le travail qu’effectue un chanteur lorsqu’il reprend un titre d’un de ses confrère. L’intérêt de chanter sur le même ton, avec le même phrasé, sur la même rythmique le titre choisi est quasi nul. Autant laisser à l’original ce qui a fait sa particularité et tenter au contraire, pour celui qui reprend la titre de mettre un maximum de lui dans l’interprétation. Par exemple jamais plus personne ne pourra chanter comme Jacques Brel tant sa personne est liée à ses chansons. Et pourtant, nombreux sont les groupes qui depuis ont repris avec talents ses textes et ses musiques.  Pourquoi dès lors entre les deux arts narratifs que sont la bande dessinée et la littérature, serait il impossible d’adapter les histoires des uns au format des autres ?

La légitimité d’adapter une œuvre littéraire en bande dessinée ne se pose donc que peu en terme de « facile ou difficile » mais se pose plus sur le plan de la personnalité de ceux qui veulent entreprendre ce périlleux exercice. En effet, ne faire qu’une pâle photocopie édulcorée de quelques dessins histoire de « faire BD » ne saurait suffire à satisfaire une telle entreprise et a contrario, broyer l’œuvre originale sous un excès de personnalité ne pourra combler pour autant les lecteurs. L’équation n’est donc pas si facile à résoudre et l’adaptation est un exercice qui réserve à coup sûr des surprises nombreuses.

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